Sylvain Boisvert: l’art à coeur

  • Agrandir l'image Sylvain Boisvert Sylvain Boisvert, allocution au lancement de la galerie Go Art. Photo: Céline Marchand, 2018

Sylvain Boisvert: l’art à coeur

De Johanne Gaudet, directrice de la galerie Go Art| 2018-06-08T16:42:18-05:00 3 juin 2018|Entretien|

Sylvain Boisvert est un entrepreneur-né. Il a du flair, de l’audace, de l’énergie à revendre et des convictions qui guident ses activités de mécénat. «Je souhaite que tout le monde puisse vivre avec au moins une oeuvre dans sa maison parce que l’art fait grandir celui qui l’accueille. Ce qui rentre chez toi, c’est un morceau d’histoire, une réflexion sur la vie, l’empreinte d’un être humain. Une oeuvre, c’est de la matière vivante, ce n’est pas un frigo.».

Je fréquente Sylvain depuis 35 ans, régulièrement à sa boutique et occasionnellement lors de ses événements. C’est que cet entrepreneur est un précurseur en matière de Pop Up culturel et de mécénat. Bien avant la tendance, il a organisé pour ses clients.es des expos et des rencontres d’artistes qui ont permis à plusieurs d’entre eux d’avoir une audience et de briser l’invisibilité. C’est sous le coup de l’admiration que je lui ai parlé de la mission de ma galerie et son enthousiasme spontané a ragaillardi mes ardeurs. Go, droit devant !

Johanne Gaudet: Comment et pourquoi devient-on entrepreneur ?

Sylvain Boisvert: Quand tu es le plus jeune enfant d’une famille de 12 , tu as intérêt à te faire une place si tu veux exister aux yeux du monde ! À la maison, chacun avait des responsabilités et gérait une petite affaire. Moi, je coupais le gazon, je travaillais chez des fermiers, je livrais les journaux. Après avoir étudié au NY Beauty School, ça allait de soi que j’ouvre mon propre Salon de coiffure. Et ça allait aussi de soi que je remette en question l’approche traditionnelle de gestion de ce type de commerce.

JG: Est-ce que ton projet d’affaires incluait des activités de mécénat ?

SB: Les choix qu’on fait nous définissent. Moi, j’ai choisi d’ouvrir mon Salon sur la rue St-Denis, dans une boutique aménagée par un designer réputé – Rousseau – et avec des sculptures à l’entrée, deux colosses, signées Jean Colpron. À deux pas, le Théâtre du Rideau-Vert, l’École nationale de théâtre et les Grands Ballets. Un tel environnement inspire, il y a un tel va-et-vient d’idées, de projets, de réflexions qu’il faut s’y associer et plonger. Mes activités de mécénat se sont intégrées tout naturellement à mon travail mais disons que mes semaines affichaient 70 h au compteur.

JG: Quel est le déclencheur de ton mécénat en culture ?

SB: Je voulais donner une voix aux artistes qui fréquentaient mon Salon, puis aux autres, les amis et les amis des amis. J’ai édité le journal Boycott pour donner à des étudiants en journalisme l’occasion d’écrire. J’ai aussi édité une revue sur le cinéma Prise 2 et un magazine Web pour promouvoir les films d’ici, parler des artisans du cinéma. Puis il y a eu des rencontres avec des artistes. J’ai mis en place ces événements pour mes clients.es parce que je me suis rendu compte qu’ils les appréciaient plus que tout autre cadeau que j’aurais pu leur offrir. Ces événements leur faisaient vivre une expérience unique et ils me remerciaient d’en avoir été l’instigateur.

JG: Qu’est-ce que ton engagement te procure et quels seraient tes arguments pour convaincre d’autres commerçants ou entrepreneurs de s’intéresser à l’art et d’en faire profiter ceux qui les entourent – employés, clients, fournisseurs?

SB: La liste des bénéfices est longue. Ça va comme suit: le bonheur de partager, d’échanger, d’évoluer, d’apprendre. C’est un privilège de côtoyer des artistes car leur nature est complexe et ce qu’ils transmettent dans leurs oeuvres est complexe aussi. Si tu parles de tes oeuvres avec passion, c’est cette passion que tu transmets, c’est du bonheur que tu donnes aux gens autour de toi. Vivre avec des oeuvres  m’a permis de m’ouvrir à différentes situations qui m’étaient inconnues, à combattre des préjugés et à grandir humainement.  Je ne suis jamais seul quand je vis avec une oeuvre parce que ce n’est pas un objet décoratif reproduit à des millions d’exemplaires comme l’est une affiche de chez IKEA. Une oeuvre c’est « en vie » et j’en prends soin parce qu’elle me fait du bien.

En terminant, j’aimerais te dire que souvent on se demande comment on peut changer les choses ou les améliorer. Pour moi, mon engagement en faveur des artistes est une fierté car je crois que j’ai pu parfois faire la différence en appuyant la démarche d’un tel, la vision créatrice d’un autre. C’est pourquoi je souhaite longue vie à la galerie Go Art car je suis convaincu que les membres de sa Communauté peuvent générer un réel mouvement de reconnaissance envers nos artistes et surtout, la volonté de chacun être le promoteur de la création artistique comme fondement de notre identité, de notre société.

L’entretien a été réalisé le 10 mai 2018