1/2. Je vous propose deux articles sur le «street art/art urbain».
Si vous êtes curieux.se, intrigué.e par le «street art», je vous invite à découvrir quelques oeuvres de la boutique de Go Art associées à cette pratique, notamment celles de Zïlon et Ded Posh . Plus largement, j’aimerais vous fournir des clés pour identifier et apprécier les signatures, tags et graffitis, que vous voyez apparaître régulièrement dans les rues et sur les trottoirs, sous les ponts et les viaducs, dans le métro et les abribus.
Dans cet article : L’art urbain, est-ce vraiment une pratique artistique ou s’agit-il plutôt de vandalisme ? Quand est apparu le «street art», quels en sont les artistes, quel est leur langage artistique, leurs codes, leurs inspirations?
Un art éphémère : À Montréal comme ailleurs, l’art urbain investit l’espace public et pourtant, il est illégal. Sans permis officiel pour graffiter, les artistes du street art ont développé l’habitude de se manifester dans des espaces à l’abri des regards – ruelles, palissades des chantiers de construction, bâtiments abandonnés -, d’agir vite, le soir ou la nuit, pour ne pas être pris sur le fait et devoir payer une amende. Les graffiteurs sont des travailleurs de l’ombre, ils acceptent que leurs inscriptions (tags), leurs affiches ou leurs dessins soient des oeuvres éphémères, rapidement effacées par les intempéries ou par des services de nettoyage.
Un mouvement de la contre-culture: Comment tout cela a-t-il commencé? Ce qui est aujourd’hui considéré comme un phénomène de société, a d’abord été associé à la contre-culture des années 1970, un mouvement d’expression artistique dont les artistes les plus connus sont Basquiat à New-York, Banksy à Bristol, Miss.Tic à Paris, Zïlon ici.
Les historiens situent l’apparition de l’art urbain à New-York dans les années 1960 mais chacun reconnaît que bien avant, au Mexique dans les années 1920, l’artiste Diego Rivera a donné naissance à un mouvement artistique engagé, le muralisme. D’autres ajoutent que les dessins découverts dans les grottes préhistoriques sont, à leur façon, les ancêtres des muralistes.
Au XXIe siècle, l’art urbain se définit comme un mouvement artistique qui a son propre langage esthétique, ses codes stylistiques et ses règles d’appartenance. Il permet à ceux et celles qui le pratiquent d’utiliser la rue comme une tribune pour s’exprimer, soit pour protester et revendiquer, soit pour attirer l’attention des galeries et du public sur leur travail. Les pionniers ont défié les pratiques artistiques traditionnelles en créant par leurs tags et leurs dessins des musées à ciel ouvert. Ils ont refusé d’étre étiquetés comme peintres ou graffiteurs, plusieurs ayant choisi d’intégrer à leurs pratiques, la peinture, la musique, la performance et la danse.
Tel était Zïlon, l’une des figures emblématiques de la contre-culture au Québec, actif en théâtre, en musique et en mode, aussi précurseur du «street art» au Québec. Sa signature : des dizaines de dessins d’un même personnage androgyne, tracés à l’aérosol et au pochoir sur les murs de Montréal. Quelques-uns de ses pseudonymes: Lion, Lazer, Lazer/Dog.
Les règles du street art : L’art urbain est ouvert à toutes et tous, et chacun.e peut s’exprimer en toute liberté en respectant toutefois certaines règles édictées par la communauté. L’une d’elles est de ne pas répéter ce qu’ont fait ses prédécesseur.es. Ainsi, chacun.e doit trouver son style et son espace, ce qui en pousse plusieurs à explorer des lieux insolites avec audace et témérité, des toits de bâtiments élevés, par exemple, ou des palissades sur les chantiers de construction, au fur et à mesure de leur installation.
Une autre règle consiste à adopter un pseudonyme – Banksy, Miss.Tic, Zïlon – comme le font les les écrivains-es et les musiciens.nes, par exemple. Cette règle sacrée permet de préserver l’anonymat des artistes tout en masquant leur classe sociale et leur genre. Enfin, ils partagent un vocabulaire commun, une attitude joueuse – celle du chat et de la souris avec leur public et les forces de l’ordre – et des outils bon marché, comme la bombe aérosol.
Pourquoi la bombe aérosol ? Cet outil est privilégié par les artistes de l’art urbain pour plusieurs raisons pratiques : la bouteille est un produit en vente libre, beau, bon, pas cher. Elle se dissimule dans un sac à dos et sa légèreté facilite son transport. Aussi, selon l’inspiration de l’artiste, la bombe aérosol permet de projeter la peinture rapidement sur la surface désignée et de varier la largeur des traits. Quant aux dessins au pochoir, l’outil permet la reproduction rapide et illimitée des messages à véhiculer.
Un art rebelle, adepte du métissage : L’art urbain établit ses quartiers dans la rue et sa culture est un métissage de rock, de punk et des médias de la culture de masse – télévision, cinéma, publicité, BD. Certains artistes empruntent leurs thèmes à l’art classique, d’autres à la Pop art ou à la BD; ils créent en un temps record et à peu de frais, ils rivalisent avec la publicité en offrant leur propre vision de la société, en rebellion avec les modes. Les artistes de l’art urbain vivent dangereusement : comme les héros des BD, ils se transforment la nuit pour créer dans l’anonymat, toujours aux aguets d’une arrestation possible.
A l’ère du numérique: L’arrivée du numérique propulse cette pratique artistique dans le cyberespace. Les artistes du «street art» deviennent des vedettes grâce aux réseaux sociaux qui diffusent largement leurs oeuvres. On parle de plus en plus de «screen art».
Plusieurs artistes résistent à l’assaut de la popularité et conservent leur anonymat, d’autres acceptent les offres des galeries et des musées. Les villes organisent des circuits autour des oeuvres taguées sur leurs murs, les festivals se multiplient, on assiste à l’éclosion d’une économie de l’art urbain.
Dans un deuxième article intitulé «L’art urbain à l’ère du numérique», je vous propose d’imaginer le futur de cette pratique artistique. Comment les réseaux sociaux vont-ils propulser cet art ? Dans quelles prouesses les artistes sont-ils prêts à s’engager ? Qu’est-ce que l’économie de l’art urbain ?
Documentation à lire, à voir, à entendre
Formation à distance : mooc Art urbain
Posdcast : Le graffiti. Radio-France, 12 janvier 2024
Quelques sites d’artistes de l’art urbain
Premier graffiteur New Yorkais : Dondi
Artiste anglais connu pour ses engagements sociaux et politiques : Banksy
Artiste québécois : Roadsworth