Qui parle d’elles ?

  • Agrandir l'image Gertrude Vanderbilt Whitney: Sculpture. Exposition au Norton Museum of Art, 2018 Vue de l'exposition «Gertrude Vanderbilt Whitney: Sculpture». Norton Museum of Art, West Palm Beach (Floride). Photo: Johanne Gaudet, 2018

Qui parle d’elles ?

De Johanne Gaudet, directrice de la galerie Go Art| 2019-01-28T12:00:37-05:00 28 janvier 2019|Art et société|

Combien d’artistes femmes pouvez-vous citer ? Pourquoi sommes-nous toujours obligés de préciser « femme artiste » et jamais « homme artiste » ? En ce début de XXIe siècle, quelle place les femmes occupent-elles dans le monde de l’art ? Entretien avec Camille Morineau, présidente de l’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions).

Dans l’article « Quelle place les femmes occupent-elles dans l’art? » publié sur le site AAAR.FR, le 21 juillet 2017, Sophie Payen s’entretient avec Camille Morineau, directrice des Expositions à la Monnaie de Paris et présidente d’AWARE, une association destinée à rende visibles les artistes femmes du 20e siècle.

En 2009, alors qu’elle est conservatrice au Centre Pompidou, Camille Morineau constate qu’il y a une immense zone d’ombre autour des artistes femmes du 20e siècle et qu’il est plus difficile de monter une exposition sur les femmes que sur les hommes. Quel est le problème ? La plupart des femmes artistes ont bénéficié de peu de publications, peu d’expositions, peu de textes sur leur travail de sorte que les commissaires sont découragés de proposer des expositions sur ces femmes « oubliées » car il faut contextualiser leur apport, les replacer dans des mouvements, expliquer leurs techniques et, ultimement, les promouvoir auprès d’un public plutôt avide d’artistes de renom.

Camille Morineau prend alors conscience que pour changer la situation, il faut rendre visibles les femmes artistes et surtout, démontrer leur inventivité et leur génie, car l’expertise critique met souvent en doute la pulsion créatrice des femmes.

En 2014, elle fonde l’association AWARE, avec l’objectif de combattre l’invisibilité des femmes. Comment ? Par la création d’outils pour enrichir notre connaissance sur elles, des outils qui parlent d’elles : produire des biographies avec des illustrations de leurs oeuvres, diffuser des commentaires sur leurs oeuvres par des critiques et des historiens; organiser des colloques et des journées d’études, encourager et mettre en valeur les recherches universitaires sur les femmes artistes.

Pour AWARE, lorsque les informations se mettent à circuler, la reconnaissance s’établit progressivement et d’autres initiatives prennent le relai : un effort des institutions publiques pour collectionner plus d’oeuvres d’artistes femmes, des salles de musées consacrées aux femmes, le soutien des subventionnaires pour documenter et promouvoir le travail des jeunes femmes artistes. Aux Etats-Unis, des collectionneurs et des collectionneuses privé.es se sont donné la mission d’acheter des œuvres de femmes, et d’autres ont ouvert des musées qui leur sont consacrés.

La situation n’est guère différente au Québec. L’invisibilité des femmes artistes du 20e siècle, et même les artistes contemporains, est aussi prégnante. En font foi le nombre d’expositions qui leur sont consacrées, le nombre de Prix qui leur échoit, la valeur marchande de leurs œuvres.

Je vous soumets les questions que pose la journaliste au départ de l’entretien, et plus.

Au Québec,
Combien de noms de femmes artistes pouvez-vous citer ? Combien de femmes cheffes d’orchestre ? Combien de femmes ont obtenu le prestigieux Prix Paul-Émile Borduas pour l’ensemble de leur carrière, un prix remis depuis 1977 ?
Combien de femmes font l’objet d’une exposition permanente au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), en reconnaissance de leur contribution au développement des arts au Québec ?

Réponses
Cheffes d’orchestre : Au Canada, en 2014, on dénombrait 47 orchestres symphoniques. Un seul orchestre, à Victoria, était dirigé par une femme, Tania Miller.
Prix Paul-Émile Borduas : Depuis 1977, 42 artistes en arts visuels ont reçu le Prix Paul-Émile Borduas, dont 11 femmes, la première récipiendaire étant Marcelle Ferron en 1983,  la plus récente, Geneviève Cadieux en 2018.
Exposition permanente au MNBAQ : Le MNBAQ consacre à Jean Paul Lemieux, Jean-Paul Riopelle, Alfred Pellan et Paul-Émile Borduas des expositions permanentes en hommage à leur création. Aucune femme n’a droit à cette reconnaissance.