Je rencontre Louis Laprise dans son atelier. Au bout d’un couloir, après avoir enjambé des poutres, respiré la poussière de bois et quelques produits toxiques non identifiés, je franchis la porte de son atelier. Il m’accueille dans un vrai décor d’artiste, au milieu des pots de peinture et des pinceaux, des œuvres au mur, d’autres dans des armoires ouvertes et, disséminées ça et là, des plantes vertes pétantes de santé. Tout à côté, on entend le vacarme d’un atelier de menuiserie et de ses équipements lourds. Bienvenue dans l’environnement de l’artiste Louis Laprise, peintre, sculpteur et graveur.
Johanne Gaudet : Qui a guidé ta démarche artistique et t’a encouragé à apprivoiser ton art ?
Louis Laprise : L’influence la plus précieuse, je l’ai reçue d’un professeur. Il s’appelle Pierre Rivard, c’était en 1978 au Cégep de Trois-Rivières. Ce professeur m’a poussé à faire de la recherche pour trouver ma propre voie comme créateur.
Je me souviens qu’en classe, il affichait nos travaux et nous en étions fiers mais en réalité c’étaient des exercices de style. Sans se moquer, M. Rivard nous donnait des clés pour apprivoiser l’art et il nous mettait au défi d’explorer notre propre ressort créatif. Par son attitude, il nous accordait le droit, sinon le devoir, de nous aventurer et d’explorer ; ce professeur m’a donné la confiance dont j’avais besoin pour créer.
JG: Tu as étudié en histoire de l’art et ta démarche en porte l’empreinte. Y a-t-il une période ou un courant artistique qui t’inspire et trouve écho dans ton travail de création?
LL : Difficile de ne choisir qu’une période. Je puise dans différents courants et différentes époques mes sources d’inspiration. Disons que la fin du XIXe siècle, en Occident, me galvanise car c’est une époque d’effervescence et de grands changements. Je pense à l’impressionnisme, au dadaïsme, au surréalisme, des mouvements artistiques qui préconisent le geste libre, la création hors des cadres étroits de la tradition. En même temps, j’aime m’inspirer de pratiques artistiques qui proviennent de civilisations millénaires ou de cultures autres qu’occidentales. Par exemple, j’admire la calligraphie arabe et le travail d’ornementation des artistes de la civilisation perse, les animaux-symboles de l’art précolombien, le primitivisme de l’art africain, les gravures japonaises du XVIIIe siècle. Toutes ces pratiques trouvent un écho dans mon travail de création.
JG: Y a-t-il une œuvre, quelque part dans le monde, qui constitue pour toi un chef d’œuvre ultime ?
LL : Pour sa magnificience en même temps que sa grande simplicité, je choisis la mosquée Süleymaniye à Istanbul, construite dans les années 1550 par l’architecte Sinan, le Michel-Ange de l’empire ottoman ! Le bâtiment est magistral d’un point de vue architectural, entre autres par ses proportions harmonieuses et sa luminosité, mais il compose aussi un ensemble urbain modèle en intégrant des espaces de la vie publique comme des écoles, des bains, des jardins, etc.
JG: Après 30 ans de création, qu’aimerais-tu que les gens disent de tes œuvres ?
LL : J’aimerais que les gens remarquent combien mon art est singulier, étrange, peut-être même un peu bizarre. Baudelaire disait que le beau est toujours bizarre, je revendique le beau et le bizarre ! Autre chose : chacune de mes œuvres a un rendu impeccable et j’aimerais que les gens me reconnaissent une maestria dans l’exécution. Quoiqu’on en pense, je ne laisse rien au hasard…
L’entretien a eu lieu le 5 décembre 2017. Merci l’artiste !