L’art en temps de confinement – 2

L’art en temps de confinement – 2

De Johanne Gaudet, directrice de la galerie Go Art| 2020-07-02T18:15:18-05:00 25 juin 2020|Art et société|

NDLR: Cet article a d’abord été publié le 6 mai 2020. 5 artistes de Go Art ont répondu à mon appel de partager leurs états d’âme et les conditions dans lesquelles ils /elles pratiquaient leur métier pendant la pandémie. Leurs témoignages sont toujours d’actualité mais pour certains, le déconfinement ouvre la voie à de nouveaux projets. Ici, par exemple, l’artiste Vivian Gottheim vient de terminer une oeuvre qu’elle a entreprise il y a 20 ans, une composition d’environ 1180 codes et symboles différents de formes et de couleurs, qui se décline désormais en de multiples tableaux de 25 ou 50 codes qui seront bientôt offerts à la location aux membres de Go Art !

En ce temps de pandémie et de confinement, je ressens plus que jamais l’importance des arts et de la culture pour donner du sens aux chamboulements que nous expérimentons. Je conçois que les artistes ne sont pas des devins mais je suis convaincue que leurs mots, leurs coups de crayon, leur musique sont des clés pour déverrouiller les portes de l’inconnu et nous donner accès à la lumière.

En m’inspirant du Questionnaire de Proust, un jeu d’humeur et d’esprit popularisé par l’écrivain français Marcel Proust, j’ai composé une série de questions que j’ai soumises aux artistes de Go Art. Ils et elles ont accepté d’y répondre pour partager avec vous, de façon ludique, leurs états d’âme sur les grandeurs et les misères de cette période de vie peu ordinaire. Je les remercie pour leur enthousiasme à partager et je vous invite à répondre vous aussi aux questions et à y jouer avec les gens de votre entourage.

(Note : Marcel Proust est considéré comme le romancier du confinement ! )

Face à l’inattendu, effectuer un retour en arrière: Vivian Gottheim
Où es-tu Vivian, que fais-tu ? Je vis pleinement le confinement ! Je me rends quotidiennement à mon atelier, à quelques foulées de bicyclette de la maison. Je n’ai pas toujours le cœur à créer, alors ces jours-là je passe le balai… Je prends des marches sur le Mont Royal et au Parc Lafontaine, cela m’apporte beaucoup (une chance qu’on les a, ces espaces verts !).  Là, on peut entendre des voix humaines et se rappeler qu’il existe une variété infinie de races de chiens! Faute de pouvoir rentrer dans un musée,  je me nourris l’esprit en me promenant parmi les œuvres du Jardin de sculptures du Musée des beaux-arts de Montréal (une chance qu’on les a, ces oeuvres d’art public). C’est ainsi que j’ai revu un des mes coups de cœur, un coeur d’ailleurs, Coeur après le déluge de Jim Dine. Les moments de connexion avec mes amis et de re-connexion avec ceux que j’ai perdus de vue, sont devenus précieux !
Coeur après le déluge, Jim Dine, 2011. MBAM.

Vivian Gottheim devant Coeur après le déluge, Jim Dine, 2011. Photo: Françoise Jean

Le confinement a-t-il un impact sur ton travail ? J’ignore quels mots et quelles images utiliser pour donner vie à mes sentiments... Plus que jamais, je me rends compte de la fragilité de l’être humain et conséquemment de l’humanité 
Une exposition à la galerie Occurrence (Montréal) a été reportée Obligée de ralentir, j’avance dans la création par un retour en arrière; j’essaie de rattraper des projets non-finis, des projets non-dits. Je me suis lancée, par exemple, dans la révision d’une œuvre que j’ai débutée il y a 20 ans, pour le Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (Charlevoix). À cette occasion, j’avais créé une installation murale de 240 petits signes et symboles que j’avais dessinés numériquement, des appropriations et des inventions à partir de signes et symboles que l’être humain utilise pour communiquer en société. Depuis, j’ai constitué une sorte de dictionnaire visuel qui est devenu un ensemble colossale de plus de 1000 petits codes ! J’ai choisi de reprendre ce travail car il traite de la culture de notre civilisation, à la fois miroir et hommage… Cette composition pour mille et un codes, revisitée et actualisée,  je souhaite pouvoir la montrer dans sa totalité dans un futur rapproché sous le titre de Mémoire vive.
Même si j’exerce un métier qui m’amène à passer des longs moments de solitude, essentiels à la création, il me manque de partager avec mes collègues artistes… Heureusement, lorsque je suis en contact avec une oeuvre, avec sa matérialité, son existence physique,  je ressens toujours le pouvoir qu’ont les oeuvres de m’émouvoir !
 
L’art en temps de confinement : questionnaire
1.Quel mot décrit le mieux ton état (physique /psychologique) depuis le début du confinement? L’écoute
2.Quelle qualité possèdes-tu pour survivre au confinement ? Avoir peu d’attentes
3. À part les services de santé, nomme un service essentiel pour les artistes? Savoir qu’il y a des organismes pour nous soutenir en cas de besoin, c’est essentiel. Le Fonds Serge-Lemoyne et le Conseil des arts du Canada sont de ceux-là.
4.Quelle couleur aimes-tu associer au confinement? Gris asphalte. La couleur des rues vides
5.Quelle forme associes-tu au coronavirus ?
6.Quelle fable ou maxime (ou proverbe ou déclaration) te procure la motivation qu’il faut pour créer?
7.Quelle oeuvre du patrimoine mondial reflète le mieux la période que nous traversons ? Les Îles Galápagos, site du patrimonial mondial
8.Quel sera le titre d’une de tes oeuvres créée pendant la pandémie ? Mémoire vive
9.Quel mot décrit le mieux ta foi à l’égard des arts et de la culture, dans la société?  Je ne sais pas
Mot de Vivian aux lecteurs et aux lectrices : Nous vivons une transformation rapide et subite de notre mode de vie, et chacun réagit à sa façon. J’ai accepté de partager avec vous parce que je crois que le partage de nos réactions et de nos sentiments peut générer un mouvement d’idées qui transformera ce moment traumatique, si incertain et instable… en quelque chose d’inattendu !