L’art populaire : un art vivant, joyeux et coloré

  • Agrandir l'image Chantal Soucy De gauche à droite : La Vache pot à lait, Pascal Riopel; Le fermier et sa truie Rose, Jean-Marc Poirier. Coll. Chantal Soucy. Photo: Claude Bouchard.

L’art populaire : un art vivant, joyeux et coloré

De Johanne Gaudet, directrice de la galerie Go Art| 2020-01-12T14:22:28-05:00 7 janvier 2020|Curiosité|

La publication récente d’un entretien avec Chantal Soucy, surnommée la Promeneuse d’oiseaux, a suscité beaucoup d’interactions sur notre site. C’est que les aspects intuitifs, spontanés et même rebelles des artistes en art populaire ont su retenir votre attention et vous captiver.  Vos questions en sont la preuve : qui sont ces artistes et d’où viennent-ils ? L’art populaire est-il un art vivant, quelle place ont les jeunes, les femmes, les nouveaux arrivants dans ce patrimoine ? Et de surcroît, où peut-on les rencontrer? Là-dessus, grâce à Chantal et à ses contacts,  je peux vous partager plusieurs informations dont celle, toute fraîche, de l’ouverture imminente d’une Maison des créateurs en art populaire !

Allons-y ! Comme le dit Chantal, je vous emmène dans cet univers fascinant !

Ils sont de toutes les régions, les artistes

Chantal Soucy a passé les 30 dernières années à sillonner le Québec pour aller à la rencontre des artistes en art populaire. Sa collection de quelque 250 pièces provient de toutes les régions mais son exposition La Promeneuse d’oiseaux met surtout en lumière des artistes du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord, de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine et aussi de Charlevoix, ces cinq régions étant considérées comme des phares de cet art puisqu’on y recense près de 200 artistes. Comment l’expliquer ? Pour le spécialiste Adrien Levasseur, cette grande concentration d’artistes, et principalement dans les régions de la Gaspésie et de Charlevoix, est grandement due au tourisme. La venue des touristes aurait agi comme un puissant stimulant pour les créateurs de ces régions, car ceux-ci ont pu montrer et vendre leurs pièces à un public sans cesse renouvelé. Ils ont aussi reçu des commentaires et des appréciations qui les ont motivés à poursuivre leur création et à la pousser dans des voies toujours plus audacieuses.

Chantal Soucy

Vue sur les oeuvres de Félicien Lévesque, expo. La Promeneuse d’oiseaux. Photo: Claude Bouchard

Au fil des ans, cet environnement aurait favorisé la prolifération du nombre d’artistes, tout en encourageant la transmission d’un savoir-faire traditionnel et l’émergence d’une relève, jeune et talentueuse. Je pense à Clarence Côté de Grande-Vallée, le fils du sculpteur de renom Yvon Côté, qui a commencé à sculpter en 2017, perpétuant le savoir-faire de son père.  Aussi, la famille Bouchard du moulin du Gouffre de Baie-Saint-Paul, et les Richard du comté de Portneuf. Pour ce qui est de la participation des femmes, on en compte peu car la sculpture sur bois est traditionnellement un loisir auquel s’adonnent les fermiers pendant la saison hivernale. Les oeuvres en art populaire ont d’abord été des objets utilitaires, puis des pièces uniques faites pour passer le temps, pour apporter de la beauté et de la vie dans le quotidien.

Un bestiaire foisonnant

La première pièce que j’ai acquise est un petit serpent articulé de Réjean Pipon, un sculpteur de L’Anse-au-Griffon. Cette pièce était présentée dans une exposition de jouets au Musée de la Gaspésie, en 1980. Cette sculpture de l’univers enfantin m’a peut-être inconsciemment, donné la piqûre. Chantal Soucy débute « officiellement  » sa collection en 1993  grâce à Magella Normand de Cap-aux-Os qui l’introduit dans son univers fascinant animalier, car les animaux arrivent bel et bien au premier des thèmes chers aux artistes. Des animaux de la ferme –  veaux, vaches, cochons –  des animaux sauvages – castors, porcs-épics, mouffettes – mais aussi des animaux exotiques – éléphants, serpents, crocodiles –  apparaissent dans la pièce de bois de l’artiste.

Chantal Soucy

Le petit paon, Magella Normand. Photo: Claude Bouchard

Chaque animal affiche la fantaisie de son créateur et son imaginaire, que ce soit par le choix des matériaux, des couleurs, la taille de la pièce, les attributs de l’animal. Nul n’est surpris de voir un coq constitué de carapaces de homards, un hibou bleu ou une bête à cornes mi-vache mi-chèvre.  Et dans cette animalerie,  les coqs sont de loin les sculptures les plus répandues. Coqs, comme objets de décoration intérieure; coqs, comme vire-vent;  coqs, sur le clocher de l’église.

D’autres pièces racontent le quotidien de la vie sur la ferme et au village et à ce titre, notre histoire se raconte à travers des pièces mettant en scène les activités de la pêche et de la chasse, les rapports humains, les métiers traditionnels ou les thèmes bibliques. Selon son désir et sa vision des êtres et des choses, l’artiste non seulement sculpte un personnage ou une scène mais il veut aussi traduire l’esprit qui les anime, parfois avec une pointe d’humour, parfois avec un regard critique sur son époque et ses semblables.

Un art vivant, joyeux et coloré

On recense près de 350 créateurs en art populaire, mais bien peu de galeries les exposent. Où voir leurs pièces ? Il y a des festivals, des salons et d’autres événements qui font connaître l’art populaire et les artistes de l’heure. Il y a notamment le Festival de sculptures d’art populaire à St-Ulric de Matane. Pour Chantal Soucy, la magie de la création, je la retrouve dans l’atelier du sculpteur, dans la simplicité et la chaleur du lieu. D’ailleurs, j’ai conçu mon exposition La Promeneuse d’oiseaux dans cet esprit, en recréant un grand atelier chaleureux où chaque sculpteur se distingue par son style et ses couleurs. J’en présente 24 dont Madeleine Lizotte de Madeleine-Centre, Yvon Côté de Grande-Vallée, Félicien Lévesque de Cacouna, Jean-Marc Poirier de Havre-aux-Maisons, etc.

Chantal Soucy

La Bolduc, Honoré Hunt. Photo: Jacques Beardsell

Des ancrages permanents pour les artistes

Outre l’espace d’exposition que Chantal Soucy a aménagé sur les hauteurs du Cap Blanc, à Percé, pour y présenter son exposition La Promeneuse d’oiseaux, il existe d’autres lieux permanents où le public peut se familiariser avec les artistes en art populaire. Nommons le Musée de Charlevoix et le musée Pop de Trois-Rivières lesquels disposent de collections importantes et proposent des expositions et des activités qui mettent en lumière les sculpteurs et les peintres en art populaire.

Un autre projet animé avec passion par le collectionneur Adrien Levasseur, devrait voir le jour en juin 2020. Il s’agit de la Maison des créateurs en art populaire du Québec. Située dans l’ancien presbytère du village de Plaisance, en Outaouais, la principale mission de cette Maison sera de promouvoir l’art populaire qui s’exprime dans diverses disciplines en mettant en valeur, par des expositions, les artistes actuels et ceux de la relève ainsi que les créations d’artistes disparus dont certains sont anonymes.

L’art populaire est bel et bien vivant. Merci à Chantal Soucy d’avoir partagé sa passion.

Rendez-vous à Percé, à l’été 2020, pour voir l’expo La Promeneuse d’oiseaux !