Invitation à une expérience de SLOW ART avec
Je préfère garder mon Tide, une oeuvre de Michel Leclair
Des études sur les habitudes des visiteurs des galeries d’art et des musées concluent qu’en général, ceux-ci passent moins de 3 secondes devant une oeuvre.
En réaction à cette situation, des artistes ont créé le Slow Art, un mouvement qui trouve sa mission dans celles des Slow Book ou des Slow Food : inviter les gens à prendre le temps de savourer une oeuvre, d’en observer les détails, de construire une histoire autour de ce qu’ils ressentent, d’échanger sur leur expérience et, au final, de gratifier les artistes pour leur travail et les émotions qu’ils leur procurent.
Je vous invite, ici, à prendre le temps de savourer une oeuvre de Michel Leclair – Je préfère garder mon Tide – et de vous amuser à suivre le jeu de pistes que je vous propose pour faire plus ample connaissance avec cette sérigraphie et son créateur.
Cette oeuvre fait partie d’un corpus de 13 sérigraphies réalisées en 1973-1974 et regroupées sous le titre Les vitrines. La série a été exposée une première fois dans son ensemble, à Montréal en 1974, sous le titre Art à vendre. Des exemplaires de ces « vitrines » se retrouvent dans de nombreux musées, galeries et centres d’art et donnent encore lieu à des expositions régulières. Elles composent un bel exemple de ce qu’on appelle l’art dans la rue, un projet artistique dont Michel Leclair est l’un des principaux artisans.
L’artiste a photographié puis imprimé cette vitrine. Quels éléments attirent votre attention au premier coup d’oeil ? Comment réagissez-vous aux formes, aux couleurs, à la composition ?
Au départ, on peut confirmer qu’il s’agit bel et bien d’une vitrine puisque l’artiste a choisi de nous la présenter dans son intégralité, sans oublier son cadre de bois brun, en appui sur un mur de pierres.
Comme moi, vous observez que cette vitrine est dénuée d’élégance et met en valeur des produits d’usage courant, ce qui dénote probablement qu’il s’agit de la vitrine d’un petit commerce de quartier. L’artiste nous en informe: regardez à droite sur la vitrine, dans un reflet venant de l’extérieur on peut lire, à l’envers : Duluth.
Les produits s’empilent de façon répétitive, dans un heureux équilibre de formes et de couleurs avec, en plein centre, le nom du commerce et la promotion du jour. Qu’observez-vous de la réalité de ce lieu et de son époque? Le nom et le prix des produits, les langues d’usage, le slogan du Tide…?
Pour compléter vos observations, notez que le tiers de la vitrine reflète des éléments de la vie extérieure, des informations qui enrichissent notre lecture de l’oeuvre sur l’époque, la saison, l’architecture : voyez les fils électriques, les branches d’arbres sans feuilles, les bâtiments, le nom de la rue.
Michel Leclair a saisi l’occasion de refléter par cette vitrine, la réalité quotidienne d’un lieu et d’une époque. Aussi, comme le furent les artistes du Pop Art avec leurs boîtes de soupe à la Andy Warhol, Michel Leclair commente et critique, lui aussi, le consumérisme avec ses vitrines. Êtes-vous d’accord avec le critique d’art, René Viau, qui a dit de Michel Leclair que «son art oscille constamment entre le commentaire social et les préoccupations esthétiques».