Le travail de création qui se fait en coulisses pour fabriquer des expositions, des spectacles de théâtre ou du cinéma, est celui de dizaines de mains-habiles qui scient, vissent, clouent, et d’autant de cerveaux-bourrés-de-talents-et-d’ingéniosité. C’est grâce à ces artisans de l’ombre que les projets des créateurs prennent forme.
Je vous invite à découvrir Cartgo, une entreprise en gestion et en production de projets muséologiques, et à rencontrer son âme pensante et dirigeante, Josée Noël. Cartgo est l’une de nos fiertés nationales en matière de maîtrise de projets muséologiques. C’est à Josée et à son équipe que l’on fait appel pour manipuler des objets de la Grèce antique, transporter des sarcophages ou exposer des bijoux précieux. Vous les connaissez sans les connaître puisque cette équipe a réalisé les mannequins de l’exposition Grace Kelly: au-delà de l’icône, au musée McCord, fabriqué les socles pour présenter les artefacts de l’exposition Les Grecs: d’Agamemnon à Alexandre Le Grand, au musée Pointe-à-Callière et accompagné à l’hôpital les fameuses momies du musée Redpath pour qu’elles passent un scanner ! Ils sont partout parce qu’ils sont inventifs, soucieux des oeuvres à présenter et du public auquel ces oeuvres s’adressent.
Bienvenue à Cartgo ! L’histoire du succès de cette entreprise est aussi celle de Josée Noël. Je la connais depuis l’époque où j’ai élaboré un concept d’expositions sur les illustrations d’albums pour enfants. Cartgo et Josée Noël se sont imposés par leurs propositions inventives, leur respect pour les oeuvres, leur volonté de créer un environnement qui soit beau et provoque la joie autant dans les écoles et les bibliothèques que dans des lieux aussi prestigieux que le hall de l’Hôtel de ville de Montréal et le Salon du livre de Montréal.
Qui étais-tu, Josée Noël, pour te lancer dans un métier au profil vague et surtout, pour fonder une entreprise qui allait susciter plus de méfiance que de convoitise ?
Josée Noël: J’ai étudié en archéologie sans penser à un emploi particulier. La preuve c’est qu’après un stage en archéologie, en France, je me suis inscrite au programme de Techniques en muséologie au Cégep Montmorency, en pressentant que mon avenir allait se dessiner en intégrant ces deux formations. J’ai eu raison. L’archéologie m’a appris l’importance de la préservation et les techniques de muséologie, l’art de fabriquer ce qui permet la protection des oeuvres : vitrines, mobiliers, socles, caisses de transport et d’entreposage, etc. Le reste du métier, ça s’appelle détermination, passion, savoir faire.
Josée a conscience de pratiquer un métier de niche, un métier méconnu mais essentiel à la mise en valeur des oeuvres et des artefacts auprès du public.
Josée Noël: Quand on reçoit une commande d’un musée, que ce soit une expo sur Agatha Christie ou sur la Grèce antique, il faut immédiatement se mettre en mode performance car une programmation de musée, c’est du béton ! Dès qu’on nous présente le corpus, il faut savoir reconnaître le matériau et la fragilité des pièces à exposer, définir sans délai les socles de présentation à fabriquer… et les fabriquer ! Même chose pour le mobilier, les cadres, les vitrines, les mannequins et, bien entendu, rassurer ceux et celles qui nous confient leurs biens. Ils ont une valeur patrimoniale et une valeur financière. On a manipulé des objets évalués à plusieurs millions !
Mode solution ou mode performance ?
Josée Noël: On invente continuellement pour fabriquer des socles, des caisses de transport ou des vitrines adaptés à chaque objet, un verre, une bague, un masque, une épée, un chapeau. Chacun a son histoire, son matériau, sa destination. On a participé à plusieurs projets muséologiques dans le Grand Nord pour retourner aux communautés leurs objets sacrés. Le soin qu’on a apporté au retour d’un canot en peau de phoque de 40 pieds… ! On est toujours dans la performance parce que chaque projet présente des défis. Pour présenter les costumes de l’exposition Grace Kelly, par exemple, on s’est associé à l’équipe du Musée McCord pour faire des recherches sur les textiles et sur les matériaux appropriés pour fabriquer les 40 mannequins. Pour respecter les délais, on s’y est mis à 15 .
Gloire ou reconnaissance ?
Josée Noël: Mon métier n’a pas le panache des oeuvres et des artistes qu’il met en vedette. Je ne cherche pas la gloire mais la reconnaissance et je crois que si Cartgo est encore là, après 15 ans d’activités, c’est à cause de la qualité de son travail, de l’efficacité de son équipe et de son professionnalisme. C’est peut-être une façon de dire que le milieu reconnaît notre travail…!
Femme dans un milieu d’hommes ?
Josée Noël: Quand j’ai choisi d’exercer ce métier de la muséologie et de fonder une entreprise spécialisée dans ce domaine, je n’ai jamais pensé au fait que j’étais une femme. J’ai foncé, des gens ont crû en moi et j’ai pu faire mes preuves. Aussi, j’ai pu compter sur des programmes gouvernementaux de soutien à l’entrepreneuriat au féminin, un outil de valorisation indispensable ! Aujourd’hui, il reste des gens sceptiques à l’idée qu’une femme puisse avoir les compétences pour gérer des ateliers de menuiserie, surtout à l’étranger où les modèles féminins sont rares dans ce métier. Oh, leurs yeux quand ils voient débarquer une femme dans leurs réserves et leurs ateliers …!
Les moteurs de ton engagement ?
Josée Noël: Je suis motivée par des sentiments très personnels. D’abord, je peux dire que j’aime les défis et même je peux dire que les difficultés me stimulent car ils m’obligent à trouver des solutions, à inventer de nouvelles façons de faire. Et puis, ce métier nourrit ma passion pour la médiation culturelle, l’éducation car j’offre au public l’occasion de voir des pièces précieuses sous différents angles, dans des supports et avec des éclairages qui les magnifient. Cela me procure beaucoup de satisfaction. Aussi, je suis fière de l’expertise que j’ai développée avec mon équipe et que nous continuons d’améliorer ensemble. Quand nous voyageons en Égypte, en France, en Grèce, au Japon, nous trainons avec nous une partie du Québec créatif.
Cet enthousiasme, je le partage avec Josée et je suis fière qu’elle ait accepté de nous partager un peu de sa passion pour un métier qui nous est moins méconnu à présent.