AfriCOBRA : colère et contre-culture

AfriCOBRA : colère et contre-culture

De Johanne Gaudet, directrice de la galerie Go Art| 2019-08-15T12:41:49-05:00 12 août 2019|Art et société|

AfriCOBRA was aesthetically about capturing the spirit of age. There was no rioting in our work. A major facet of that age was the concept of Black pride – Black is Beautiful – and a positive outlook on life. Gerald Williams, cofondateur de AfriCOBRA.

Au cours des années 60-70, des mouvements de contestation éclatent partout dans le monde et aux États-Unis, la lutte pour les droits civiques atteint son paroxysme. Dans son sillage, émergent des appuis de toutes provenances, religieuses, économiques, politiques et artistiques comme en écho aux premières manifestations de la contre-culture. Le collectif  AfriCOBRA (The African Commune of Bad Relevant Artists) s’illustre pour avoir soutenu la lutte des Noirs et développé un langage esthétique tout particulier, qui fait école aujourd’hui.

Cette contribution est mise en valeur par l’exposition AfriCOBRA. Messages to the people, présentée au cours de l’hiver 2019 au Museum of Contemporary Art de North Miami (MOCA ) et à la Biennale de Venise, à partir de mai 2019. L’hommage rendu aux artistes de ce regroupement témoigne de ce que l’art peut marquer l’imaginaire collectif et participer aux changements sociaux.

Angela Davis, Gerald Williams, 1971. AfriCOBRA. Messages to the people, MOCA, 2019

Black is Beautiful

Le collectif AfriCOBRA voit le jour à Chicago, en 1968. Les artistes qui s’y engagent choisissent de mettre leur art au service du mouvement d’émancipation des Noirs. AfriCOBRA devient l’aile artistique du Black Power Movement.

La volonté du collectif est de rejoindre la communauté afro-américaine et de transmettre à ses membres des sentiments de fierté et d’empowerment pour contrer le discours ambiant qui infériorise leur communauté. Qui n’a pas vu/entendu le slogan Black is Beautiful ? Leurs oeuvres jumellent images et textes pour rehausser leurs messages. Des textes poétiques, des témoignages et des slogans couvrent leurs oeuvres peintes ou sérigraphiées.  Pour la plupart, leurs écrits sont associés à la lutte pour les droits civiques mais également aux luttes de libération, ailleurs dans le monde : SOWETO, SO WE TOO, en référence à l’apartheid en Afrique du Sud. FREE NOW. UHURU signifiant liberté en swahili.  VICTORY in ZIMBABWE.

Leur message d’empowerment, quant à lui, célèbre les valeurs du patrimoine africain – la famille, la vie communautaire, le respect des ancêtres, la spiritualité – et les artistes choisissent de développer à cette fin une esthétique et des outils appropriés.

 

AfriCOBRA

Family, Gerald Williams, 1976. AfriCOBRA. Messages to the people. MOCA, 2019

 

Rythme et flamboyance

AfriCOBRA adopte une esthétique particulièrement flamboyante où sont privilégiées les couleurs éclatantes (Cool-ade colors), une grande variété de typographies (lettering) et une composition rythmée, cadencée.

Leurs oeuvres sont des affiches sérigraphiées plutôt que des oeuvres peintes uniques parce qu’elles sont plus faciles à reproduire et à diffuser. Quant aux thèmes,  ce sont des portraits d’hommes et de femmes noirs (Black people) à qui ils rendent hommage pour leurs actions politiques et leurs valeurs de courage et de solidarité. En témoigne un panthéon de portraits d’activistes politiques comme Angela Davis et Malcolm X ainsi que des portraits d’artistes militant pour la cause, des musiciens ou des écrivains comme la poétesse June Jordan.

Également, le corpus d’AfriCOBRA comprend des fresques relatant la vie quotidienne, la famille, le travail, et des portraits de gens qui ont vécu l’esclavage et sont devenus des icônes de la libération.

AfriCOBRA

Going to NYC, Jae Jarrell, 1974. AfriCOBRA. Messages to the people, MOCA, 2019

 

La contribution artistique d’AfriCOBRA n’est pas qu’en arts visuels. Des musiciens, des poètes et des comédiens ont aussi organisé des concerts pour rassembler les gens et fêter, des lectures de poésie pour exprimer leur colère et leurs valeurs communautaires, du théâtre de rue.

You can’t see AfriCOBRA unless you are in the struggle, unless you hear the music, unless you really know. Jeff Donaldson, 1972

NDLR: Ce texte fait suite à ma visite de l’exposition AfriCOBRA. Messages to the people, en mars 2019 au MOCA. Je vous partage des images et des réflexions sur cette exposition du plus grand intérêt tant du point de vue artistique que social. D’abord présentée à l’occasion de Art Basel Miami en décembre 2018, l’exposition constitue l’un des événements officiels de la 58e Biennale d’art de Venise, depuis mai 2019. Elle y sera présentée sous le titre AfriCOBRA: Nation Time alors que des documents d’archives sur la vie du regroupement sont intégrés au corpus des oeuvres choisies. AfriCOBRA a fêté son 50e anniversaire en 2018 et plusieurs manifestations ont eu lieu à cette occasion dans une dizaine de villes américaines.