Denis Forcier est un artiste multidisciplinaire, peut-être un tout-terrain au vu de sa démarche artistique. N’a-t-il pas exploré la sérigraphie, la photographie, les nouvelles technologies et, chose rare, la peinture anaglyphique ? « Tout au long de mon cheminement, j’ai voulu proposer au spectateur de dépasser le regard distrait qu’il pose sur le quotidien. J’ai fait en sorte de lui proposer plusieurs vues de la même réalité; j’ai mis en scène des objets, des personnages et des moments de la vie quotidienne tout en interrogeant les dimensions optiques de la perception.» De là naissent l’univers construit de Denis Forcier et les émotions qu’il souhaite nous transmettre.
Une rencontre déterminante Sa démarche débute par un court passage à l’École des beaux-arts de Montréal (1968-1969), puis des études à l’École de design graphique de l’Université du Québec à Montréal (1969-1973) où il fait une rencontre déterminante avec l’artiste Pierre Ayot. En effet, celui-ci lui propose de s’associer à l’atelier GRAFF, lui offrant ainsi l’espace et les outils pour créer, l’ambiance et le compagnonnage pour explorer les nouvelles technologies. Son association à GRAFF se poursuivra de 1974 à 1983.
Pop art à la québécoise Les années 70 sont marquées par les mouvements de contestation et en art, c’est le mouvement du Pop art qui marque les esprits et constitue une période incontournable de l’histoire de l’art ! Le Pop art reprend les thèmes et les techniques de la culture de masse pour mieux dénoncer le consumérisme, le commerce des produits de luxe, le vedettariat, la publicité tapageuse. Qui ne connaît pas les sérigraphies de Andy Warhol, Campbell’s Soup Can, et ses sérigraphies des stars d’Hollywood ?
Denis Forcier débute sa démarche artistique en explorant le Pop art à sa façon, avec une imagerie et un langage typiquement québécois. Il crée une série d’oeuvres qui deviennent des oeuvres-phares. Pour Caramilk (1975), par exemple, il transfert l’image d’une tablette de chocolat Caramilk déjà entamée, sur une feuille d’aluminium. La technique et le support rappellent la présentation commerciale du produit, en même temps que le spectateur, voyant son reflet sur cette surface miroir, passe de spectateur à consommateur. Ses sérigraphies des années 70 et 80 sont des oeuvres porteuses d’un commentaire politique et social en même temps que d’une réflexion plastique : il choisit des couleurs pour orienter la lecture de l’image, il utilise la technique de séparation de couleurs sans trame pour insuffler de la chaleur à ses photos et, minutieusement, il construit son univers mythologique avec une sélection d’objets et de personnages qu’il met en scène et photographie.
Technologie et expérience sensible Dans les années 1990, Denis Forcier poursuit ses recherches du côté de la peinture. La technologie est, encore une fois, au rendez-vous de sa démarche plastique. Il s’adonne à la peinture anaglyphique, c’est-à-dire la transposition en peinture de plusieurs prises de vue photographiques. Cette technologie répond à sa volonté d’offrir aux spectateurs une expérience unique : un premier coup d’oeil au tableau nous fait voir des parentés avec les tableaux impressionnistes; une seconde lecture avec des lunettes aux filtres rouge et bleu, nous permet d’entrer dans le tableau, et de vivre dans un univers tridimensionnel impossible à découvrir autrement. «L’expérience qu’offre ma peinture c’est celle de regarder à nouveau ce que l’on voit tous les jours sans le voir, c’est s’adonner au plaisir pur de regarder. »
Les oeuvres de Denis Forcier ont été exposées dans une soixantaine de lieux, tant ici qu’ailleurs au Canada et à l’étranger. Son nom s’inscrit dans les monographies et les catalogues comme l’un des artistes graveurs importants du Québec.
Mot de l’artiste
Depuis mes toutes premières expériences, j’essaie de partager l’émotion que je ressens devant des objets, des personnes, des lieux qui font partie de nos univers habituels, en utilisant des techniques qui font surgir plusieurs images dans une même oeuvre. Je désire transcrire des scènes qui ont généré en moi des sentiments d’humanité, un lien aux autres et la sensation de partager leurs vies… Les possibilités qu’offrent les technologies sont pour moi des moyens de rendre l’image « sensible » et de toucher le spectateur.